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Marc en Mongolie
9 septembre 2017

Benoit.. ou Les Sens de la Vie .....

Bonjour à toutes et tous, 

Mon Ami le vigneron de Dallet vient de nous annoncer que septembre 2017 ce sera les dernières vendanges de sa vie de paysan. J’ai rencontré Benoît il y a plus de 20 ans, il venait de s’installer à Dallet avec son épouse. 

Sa manière de travailler, de voir le Monde et celles et ceux qui le compose m’a tout de suite séduit et depuis 20 ans on  ne s’est plus quitté. J’ai le grand privilège d’être son plus vieil "esclave" (dixit Benoit) . Depuis 20 ans, si je ne suis pas par monts et par vaux, je suis entre autre aux vendanges avec Benoit et les autres "esclaves". 

Un passionné au grand cœur, je ne sais pas comment le définir et d’ailleurs il me dirait « mais qu’est ce qu’on en a à foutre ». 
Je l’aurai bien vu avec ce boulanger de ........ (commune du PDD) qui ne pouvait plus faire son pain à cause des coupures d’eau pour sécheresse alors que les arroseurs inondaient le terrain de sport. Il manifestait seul devant la préfecture de Clermont avec sur son Estafette, ( ben oui vers les années 70..), un grand panneau sur lequel on pouvait lire :
« Il n’y a plus d’eau, il n’y a plus de pain, mangez du gazon !!! ».
 

Moi mon copain, le vigneron de Dallet, le plouc... n’aura plus de vignes, il n’y aura plus de raisins donc plus de jus fruit ou de vin mais le nombre d'irresponsables de notre pays vient encore de croître !!!

Et pourtant ......

benoit2

 

Ci-dessous un extrait du courrier reçu de Benoit le 07/09/2017.

PS : ci-dessous, la lettre d’une Amie. 

« Chemin entres les vignes » histoire d’une Histoire. 

 « Je suis née il y a 9O ans en avril 1927 à Dallet, sur les flancs du Puy de Mur. Mon père et ma mère étaient paysans. Mais comme beaucoup, ils étaient aussi vignerons. Ils habitaient au centre de Dallet et moi au bout du chemin de Courvache.  J’ai eu une belle vie. Ils m’ont chérie et j’ai toujours essayé de faire de mon mieux pour qu’ils soient fiers de moi. Ils étaient très présents à mes côtés. J’ai eu quelques soucis de maladies que l’on soignait comme on pouvait à l’époque. Les remèdes chimiques ne sont arrivés que bien plus tard. J’ai eu une fille en 1957. 

Dans la famille nous étions de petites tailles. Des « rases bitumes » comme on disait. Ma fille, elle était grande. Bien plus que la moyenne. On la regardait de travers. On se moquait de ses grands « piquets ». Mais elle est ma grande fierté. Elle est toujours restée à mes côtés. Les pieds bien enracinés sur notre volcan. Dans les années 80, mon papa est mort. Mais Joseph, son fils, s’est toujours occupé de moi et de ma fille. Dans les années 90, fatigué par le temps et l’âge, il nous a confiées à deux jeunes gens venus de Bourgogne. Au début, je n’ai pas très bien compris ce qu’il voulait faire de nous. La chimie qui me soignait depuis 50 ans, fut remplacée par des plantes du volcan. Le jeune homme me disait que mes pieds seraient mieux dans l’herbe plutôt que sur une terre vierge de plantes. Les premiers temps, beaucoup dans le village se sont moqués d’eux. Un peu comme ils avaient pu le faire avec ma fille. 

Les premiers temps, cela a suscité beaucoup d’interrogations voire d’incompréhensions dans le village. Mais je me suis bien habituée à eux. La demoiselle est partie dans le sud en 2004, et le jeune homme est toujours là…. à nos côtés. Il nous a fait rencontrer les enfants des écoles de Dallet et des villages alentours. Des centaines de touristes sont venus nous voir. Une seconde jeunesse…. !!!

Tout au long de ma vie nous avons eu d’excellents voisins. Notre attachement à notre village nous fit donner le meilleur pour sa réputation. Mais dans les années 80, une maladie est arrivée sur les flancs du Puy de Mur. Petit à petit, mes voisines et mes voisins ont disparu. Autour de moi, plus rien depuis 5 ans. Mais notre petit jeune homme (moins jeune aujourd’hui) s’occupe de nous. Toujours aussi attentif.

Il y a deux jours, il est venu nous parler… à ma fille et à moi. Il avait les larmes aux yeux. Il n’a pas eu besoin d’ouvrir la bouche. J’avais compris. Nous étions condamnées. La maladie qui ravage notre volcan allait avoir nos vies. Je pourrais dire que j’ai vu 90 ans d’histoire de mon cher village. Vous pourrez venir me voir jusqu’en octobre. Mais aussi pour les vendanges.  Je vous ferai goûter ce que je réussi encore à « cuisiner » avec l’aide de Benoît. Nous pourrons rire une dernière fois ensemble et boire un bon coup. 

Ma famille, ce sont les Faure à Dallet. De très braves gens. Joseph dit Jojo, a aimé ma fille comme la sienne. C’était un homme qui avait toujours le sourire. Quand il nous confia au jeune Bourguignon, il passait nous voir régulièrement. Je ne vous ai pas dit mon nom : Gamay d’Auvergne. Le vrai gamay qui produit peu… mais très bon. Nous sommes des vignes sur le bord de la route du Puy de Mur à Dallet.

Les enfants de Jojo, qui sont nos propriétaires depuis le décès de leurs papa, sont venus voir Benoît. Ils lui ont annoncés que les vignes allaient être arrachées. Qu’on allait nous arracher. Benoit ne leurs en veut de rien. Il avait donné sa parole à Jojo de ne jamais faire de soucis si ses enfants voulaient reprendre cette terre.

Nous sommes des vignes sur le bord de la route du Puy de Mur, des vignes parmi les dernières de Dallet, des vignes qui vivent leur ultime été avant d'être arrachées à l’automne pour couler du béton, cette maladie qui tue la terre.

Elle a tué beaucoup de mes voisines vignes et de mes voisins vergers. Il faut bien un toit au-dessus de la tête me direz-vous. Mais quand c’est au détriment d’un pan d’histoire et de mémoires d’un village, ne doit on pas envisager d’autres alternatives ? Les friches et les maisons non rénovées, ce n’est pas ce qu’il manque sur le Puy de Mur et à Dallet.

C’est paradoxal mais il y a 20 ans, des gens ont été à l’initiative de la venue de Benoît pour relancer la vigne et le vin, et pour faire revivre la culture vigneronne du village. Ces mêmes personnes sont à l’origine de notre mort annoncée….et à moyen terme celle du paysan qui s’occupait de nous. Nous (vignes et paysan) ne devons plus être utile à rien, ont il jugés.

Nous avions encore à vivre des choses ensemble. En 2018, plus de Benoit qui taille nos branches en hiver, qui tond notre herbe en été et plus de rires d’enfants qui nous vendangeaient en septembre.

J’espère être, encore un peu, dans votre souvenir après notre mort. Mon adresse est un sourire à elle toute seule : à Dallet, chemin entres les vignes. C’est marrant…. Non ? » 

                                                                         Signé : madame Gamay d’Auvergne

J’ai écrit ce texte sans colère. Juste amer et déçu que nos élus soient aussi peu préoccupés des paysans et du patrimoine qu’est la terre. (Benoit Porteilla)

 

Benoit pendant une visite de ses vignes au Puy de Mur.

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Les Sens de la Vie .....

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